Compte épargne carrière

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    La loi du 5 mars 2017 relative au travail faisable et maniable a créé le cadre légal de l’épargne-carrière.  Ce système permet d’offrir aux travailleurs la possibilité d’épargner certains éléments de temps bien spécifiques, éléments qui pourront ultérieurement dans leur carrière professionnelle être pris sous forme de congés.  Ainsi, le travailleur dispose de la possibilité de gérer lui-même une partie de sa carrière et de prendre des temps de pause quand il le juge utile.

    Le système de l’épargne-carrière est basé sur le principe du libre choix.  Le travailleur ne peut en aucun cas être forcé de participer au système d’épargne-carrière.  Il garde toute sa liberté en la matière.

    Afin de pouvoir faire usage du système d’épargne-carrière, la mesure doit d’abord être activée par les secteurs (ou à défaut, par les entreprises).

    Le cadre légal est entré en vigueur le 1er février 2018.  Cela veut dire qu’à partir de cette date, les secteurs peuvent être saisis afin d’activer le système par le biais  de la conclusion d’une convention collective de travail.
     

    Champ d’application 

    La cadre légal de l’épargne-carrière s’applique aux employeurs et aux travailleurs qui ressortissent au champ d’application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires.

    Procédure d’introduction d’un système d’épargne-carrière 

    Afin de pouvoir faire application du système légal d’épargne-carrière, la mesure doit tout d’abord être activée.  La loi détermine la procédure d’activation.

    La demande d’activation doit se faire en premier lieu au niveau du secteur par le biais d’une saisine du Président de la (sous-)commission paritaire concernée. 

    La demande d’activation peut être introduite par une organisation représentée au sein de la (sous-)commission paritaire ou par une entreprise individuelle.  La loi n’impose pas d’exigence de forme particulière.  La saisine peut donc se faire de diverses façons.  Néanmoins, il est fortement conseillé de se ménager une preuve attestant que la saisine a bien été faite.  La saisine aura donc lieu de préférence par écrit, par exemple, via l’envoi d’un courrier recommandé.

    Dès le moment où la saisine a eu lieu, le secteur dispose de 6 mois pour conclure une CCT sectorielle

    Si endéans ce délai de 6 mois, aucune CCT sectorielle n’a été conclue, les entreprises ressortissant à la commission paritaire concernée peuvent décider d’activer la mesure à leur niveau par le biais de la conclusion d’une CCT d’entreprise.

    En cliquant ici il est possible de vérifier si une saisine a été introduite auprès du Président d’une commission paritaire particulière ainsi que, le cas échéant, la date de cette saisine. Ce lien permet également de savoir si une convention collective de travail en matière d’épargne-carrière a été conclue au sein d’une commission paritaire déterminée. 

    La CCT qui régit le système d’épargne-carrière doit contenir un certain nombre de mentions obligatoires comme car exemple, les éléments de temps qui peuvent être spécifiquement épargnés par le travailleur dans le cadre de l’épargne-carrière. 
      

    Quels éléments peuvent être épargnés le travailleur ?

    Le système légal d’épargne-carrière donne la possibilité au travailleur d’épargner des éléments de temps spécifiques de sorte que, plus tard, au cours de l’exécution de son contrat de travail, le temps épargné puisse être pris sous forme de congé.  A cette fin, la loi habilite les parties à déroger à certaines sources de droit supérieures (par ex. la loi relative à la protection de la rémunération en ce qui concerne le moment auquel doit être payée la rémunération ordinaire).

    Le système repose donc sur le principe suivant : « du temps pour du temps».  Toutefois, ce principe connait une exception s’il est mis fin au contrat de travail avant que le travailleur n’ait pu utiliser (intégralement) son épargne.  Dans ce cas, on parlera de « temps pour argent ».

    Dans le futur, un arrêté royal peut prévoir que les primes en argent (ex. les primes de fin d’année) puissent également être épargnées afin d’être ultérieurement transformées en congé (« argent pour temps »).

    La CCT qui active le système d’épargne-temps doit déterminer quels sont les éléments de temps qui peuvent être épargnés.

    Les éléments de temps susceptibles de pouvoir être épargnés dans le cadre du système d’épargne-carrière sont les suivants :

    •  Le crédit de 100 heures supplémentaires volontaires (pouvant être porté à 360 heures via une CCT rendue obligatoire) qui ne doivent pas être récupérées conformément à l’article 25bis de la loi du 16 mars 1971 sur le travail

    La loi autorise que, dans le cadre de l’épargne-carrière, les heures et le salaire normal qui s’y rapporte soient épargnés. Dans ce cas, elle permet donc aux parties de déroger à la règle normale en matière de protection de la rémunération qui prévoit que le salaire doit être payé au terme de la période de paie concernée.  
     

    Attention ! La loi n’autorise pas que le sursalaire afférent à ces heures supplémentaires puisse être épargné.  En effet, les parties ne sont pas habilitées à déroger à la règle normale prévue par la loi relative à  la protection de la rémunération en vertu de laquelle le sursalaire doit être payé au terme de la période de paie.  Il ne peut donc pas être dérogé à ce principe dans le cadre de l’épargne-carrière.
     

    • Les jours de congés conventionnels qui sont octroyés par le biais d’une convention collective de travail et qui peuvent être pris librement

    Les jours de congés octroyés conventionnellement et pour lesquels le travailleur est libre de déterminer quand il les prend peuvent être épargnés dans la cadre de l’épargne-carrière. 

    Il s’agit par exemple des jours de congés d’ancienneté octroyés par une CCT sectorielle.

    Attention ! Ne sont donc pas vises ici les jours de congé légaux ou les jours de congés conventionnels qui ne peuvent pas être pris librement par le travailleur

    Sous certaines conditions, il est également possible d’épargner certains jours de RTT.

    Attention !  Seuls les jours de RTT qui résultent d’une réduction de la durée hebdomadaire moyenne du travail en-deçà de 38 heures peuvent, le cas échéant, être épargnés.  En effet, la loi ne permet pas de déroger à la durée hebdomadaire légale du travail qui est fixée à 38 heures.

    Exemple 

    Une CCT sectorielle prévoit une durée hebdomadaire moyenne de 38h/sem. moyennant l’octroi de 12 jours de RTT à choisir librement.   Une autre CCT sectorielle octroie annuellement un certain nombre de jours de congé d’ancienneté à choisir librement. 

    Le secteur concerné conclut une CCT dans le cadre de l’épargne-carrière qui prévoit que les jours de congés d’ancienneté peuvent être épargnés.  En ce qui concerne les 12 jours de RTT, le secteur ne pourrait pas légalement prévoir qu’ils peuvent être épargnés.  En effet, cela reviendrait à déroger à la loi du 10 août 2001 qui fixe la durée hebdomadaire du travail à 38 heures.  La loi-www ne permet pas de déroger à cette loi du 10 août 2001. 

    Les entreprises ressortissant au champ de compétence du secteur concerné peuvent décider d’appliquer la CCT sectorielle et de conclure une CCT d’entreprise qui la modalise.  Si l’entreprise conclut à son niveau une CCT d’entreprise, le cadre sectoriel devra être respecté .
     

    • En cas d’application d’un horaire flottant établi sur base de l’article 20ter de la loi sur le travail, les 12 heures (ou un nombre plus élevé prévu par voie de CCT) qui sont prestées au-delà de la durée hebdomadaire moyenne de travail et qui, au terme de la période de référence, peuvent être reportées à la période de référence suivante.

      Dans le cadre de l’épargne-carrière, le travailleur peut épargner et transférer ces heures et le salaire y afférent à des périodes de référence ultérieures.  Ici, la loi permet donc de déroger à la règle qui veut que 12 heures et le salaire moyen qui s’y rapporte ne puissent être reportés qu’à la période de référence qui suit immédiatement celle au cours de laquelle les heures ont été prestées.

        
    • Les heures supplémentaires qui sont prestées dans le cadre de l’article 26bis, §2bis, de la loi sur le travail pour nécessité imprévue ou surcroit extraordinaire de travail et qui peuvent, au choix du travailleur, être récupérées ou non.  

      La loi permet, si le travailleur fait le choix de ne pas récupérer ces heures selon les règles ordinaires, que ces heures et le salaire normal qui s’y rapporte soient épargnés.  Dans ce cas, la loi autorise les parties à déroger à la règle normale en matière de protection de la rémunération qui prévoit que le salaire doit être payé à la fin de la période de paie.

      Attention ! la loi ne permet pas d’épargner le sursalaire afférent à ces heures supplémentaires.  Elle n’a en effet pas habilité les parties à déroger au principe selon lequel le sursalaire doit être payé à la fin de la période de paie. 

    Mentions obligatoires de la CCT épargne-carrière

    Cadre

    Si une CCT relative à l’épargne-carrière est conclue, elle doit au minimum donner des précisions sur un certain nombre d’éléments. La CCT doit tout d’abord expliciter les éléments constituant le cadre de système:

    La loi prévoit que la CCT doit déterminer la période endéans laquelle les éléments de temps précités peuvent être épargnés.  Les secteurs et/ou les entreprises peuvent librement déterminer le cadre de l’épargne.  Il convient de toujours garder à l’esprit l’objectif du système d’épargne-carrière (rendre le travail plus faisable et rester actif plus longtemps sur le marché du travail).

    Concrètement, la CCT doit avant tout préciser la durée de la période au cours de laquelle les éléments de temps considérés peuvent être épargnés (ex. 5 ans). 

    Il est par ailleurs recommandé que la CCT apporte les éclaircissements suivants :

    • le nombre maximal de jours qu’il est possible d’épargner par année;
    • lLe nombre  maximal de jours qu’il est possible d’épargner au total;
    • déterminer s’il s’agit d’un crédit qui peut être atteint plus d’une fois ou non;
    • éventuellement, la possibilité de transférer l’épargne à une période d’épargne ultérieure chez le même employeur (ex. lorsque le travailleur n’a pas été en mesure d’épuiser son épargne s’il a été malade de longue durée);
    •  … .

    La manière dont le travailleur peut bénéficier de son épargne 

    Le point de départ du système légal est le principe « du temps pour du temps ».  Le but est donc que du temps soit épargné et que, ultérieurement, l’épargne soit également prise sous forme de temps.  En d’autres termes, le but de la loi n’est pas d’instituer un système par lequel le travailleur épargne du temps afin de convertir ou de prendre ce temps sous forme d’argent.  Il est néanmoins déroger à ce principe lorsque le contrat de travail prend fin.

    La CCT doit préciser la manière dont le travailleur peut utiliser son épargne. Il s’agit par exemple:

    • de la manière dont le travailleur doit introduire une demande auprès de l’employeur ;
    • de la manière de déterminer le moment où l’épargne peut être utilisée (unilatéralement par le travailleur ou à choisir de commun accord entre l’employeur et le travailleur ?) ;
    • la durée minimale et maximale de la période de congé ;
    • le fait d’éventuellement prévoir des règles de priorité en fonction de certains motifs

    •  

    Qu’en est-il de la possibilité de transférabilité chez un autre employeur ? 

    La loi prévoit que la CCT sectorielle peut prévoir que l’épargne est transférable entre différents employeurs juridiques au sein d’un même secteur.   Dans ce cas, la CCT concernée doit déterminer les conditions et la manière dont le transfert doit être appliqué concrètement.

    Si la transférabilité entre employeurs juridiques est rendue possible, la CCT sectorielle doit déterminer ce que cette transférabilité implique concrètement.  En d’autres termes, la CCT doit d’une part déterminer  le sort à réserver aux différents éléments de temps épargnés et, d’autre part, la rémunération épargnée liée à ces éléments.

    Attention ! Si le contrat de travail prend fin, le travailleur concerné a toujours droit au paiement intégral de son épargne. Ce droit subsiste même lorsque la CCT sectorielle autorise la transférabilité. Il ne peut donc en aucun cas être dérogé à ce principe.
     

      Mesures complémentaires

      A côté des mentions encadrant l’épargne-carrière, la CCT doit également régler différents autres éléments.  

      La manière de valoriser les éléments de temps épargnés au moment où le travailleur voudra en bénéficier (ou au moment où ils devront être payés)      

      Au niveau de l’épargne-carrière, la loi ne prévoit aucune règle spécifique quant à la manière dont les éléments épargnés doivent être valorisés.  Les secteurs et/ou entreprises sont libres de déterminer eux (elles)-mêmes ces règles.

      Une règle possible consiste à prévoir que l’élément d’épargne sera valorisé conformément au taux de rémunération en vigueur au moment où l’épargne est effectivement prise 

      Exemple : un travailleur a épargné 8 jours de congé d’ancienneté au cours de la période 2019-2020.  En 2021, il bénéficie d’une augmentation de salaire.  Cette même année, il prend consécutivement ses 8 jours de congé épargnés et est payé pour ces jours au taux de salaire normal c’est-à-dire le taux de salaire en vigueur en 2021. 

      Exemple : un travailleur a épargné 90 heures supplémentaires volontaires en 2019.  En 2022, il décide d’en prendre la moitié.  Pour les jours de repos compensatoires reportés, il bénéficie de son salaire normal, c’est-à-dire le salaire normal en vigueur au moment de la prise des repos compensatoires en 2022. 

      Exemple : un travailleur a épargné 40 jours de congé d’ancienneté au moment où son contrat de travail prend fin.  En plus de l’indemnité de rupture, le travailleur aura droit au paiement  des jours correspondant à ces 40 jours de congé d’ancienneté au taux de salaire en vigueur au moment de son licenciement. 

      Si le secteur ou l’entreprise opte pour une autre règle de valorisation, la CCT en question devra prévoir ces règles.

      La manière dont l’épargne-carrière est gérée 

      La CCT doit déterminer la manière dont le système d’épargne-carrière sera géré.  La CCT devra donc régler les aspects suivants :

      • la désignation du responsable chargé de la gestion du système - la loi prévoit que la gestion peut être opérée de différentes manières   :
          
        • par l’employeur lui-même (par exemple via le secrétariat social);  
        • par une institution externe (cfr gestion des pensions complémentaires d’entreprises);
        • par le fonds de sécurité d’existence du secteur concerné.  
         
      • l’accès au système (que doit faire concrètement le travailleur afin de pouvoir faire usage du système d’épargne-carrière) ;
      • la sortie du système;
      • la gestion quotidienne (traitement des demandes, octroi des jours de congé, …);
      • les communications relatives à la situation de l’épargne (l’employeur doit régulièrement informer le travailleur sur ce que contient et ce qu’il reste dans son « pot » d’épargne (par exemple via la fiche individuelle);
      •   … .

      Garanties pour le travailleur  

      Afin de garantir au travailleur qu’il pourra effectivement bien profiter de son épargne (en temps ou, le cas échéant, en argent), la loi impose à l’employeur lorsqu’il s’acquitte lui-même de la gestion financière, de prévoir les garanties de paiement nécessaires.  Cela peut par exemple prendre la forme d’une garantie bancaire.  La CCT devra donc préciser les informations utiles à ce propos.

      Sort de l’épargne-carrière en cas de liquidation de l’entreprise 

      La CCT doit déterminer ce qui se passe avec l’épargne  en cours lorsqu’une entreprise arrête ses activités.  Dans ces situations, la CCT devra en particulier envisager les différents scenarii relatifs au paiement de l’épargne (paiement par l’employeur lui-même ou éventuellement via le Fonds de fermeture ou le fonds de sécurité d’existence, …).

        Dimension de genre 

        La loi prévoit explicitement que les secteurs et/ou les entreprises doivent tenir compte de la dimension de genre lorsqu’elles élaborent leur CCT.  L’idée sous-jacente est que les femmes doivent pouvoir bénéficier d’autant de possibilités d’épargne que les hommes.

        Exemple :  

        S’il ressort  au sein d’un secteur ou d’une entreprise que les heures supplémentaires sont davantage effectuées par des hommes, ce secteur/entreprise doit, lorsqu’il élabore sa CCT « épargne-carrière », prévoir qu’à côté des heures supplémentaires il est également possible d’épargner des jours de congés extra-légaux. 

        Gestion du système d’épargne-carrière

        Il est possible de gérer le système d’épargne-carrière de différentes façons :

        • soit, par l’employeur lui-même, par exemple via le secrétariat social); 
        • soit, par une institution externe;
        • soit, par le fonds de sécurité d’existence du secteur concerné.

        Garanties pour le travailleur

        Afin de garantir au travailleur qu’il pourra effectivement bien profiter de son épargne (en temps ou, le cas échéant, en argent), la loi impose à l’employeur lorsqu’il s’acquitte lui-même de la gestion financière, de prévoir les garanties de paiement nécessaires.  Cela peut par exemple prendre la forme d’une garantie bancaire.  La CCT devra donc préciser les informations utiles à ce propos.   

        Que se passe-t-il si le contrat prend fin ? 

        Le travailleur a droit au paiement intégral de son épargne au moment où son contrat de travail prend fin. Ce droit est également garanti lorsqu’une CCT sectorielle prévoit la transférabilité de l’épargne entre les employeurs du secteur. 
         

        Evaluation par le Conseil national du Travail 

        Les partenaires sociaux représentés au sein du Conseil national du Travail pourront évaluer le système d’épargne-carrière à partir du 1er janvier 2019.