Vie privée, signalement et nouvelles technologies

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    Le rôle attribué au conseil d’entreprise dans les domaines liés aux nouvelles technologies s’inscrit dans le cadre de la protection du respect de la vie privée des travailleurs.

    L’information et la consultation à charge de l’employeur dans les différentes circonstances évoquées ci-dessous sera faite conformément aux dispositions de la convention collective de travail n° 9 du 9 mars 1972 coordonnant les accords nationaux et les conventions collectives de travail relatifs aux conseils d'entreprise.

    Introduction des nouvelles technologies – Information et consultation

    Lorsque l’employeur décide d’un investissement dans une nouvelle technologie et lorsque celui-ci a des conséquences collectives importantes en ce qui concerne l’emploi, l’organisation du travail ou des conditions de travail, il est tenu, au plus tard trois mois avant le début de l’implantation de la nouvelle technologie, d’une part de fournir une information écrite et d’autre part, dans certains cas, de procéder à une concertation avec les représentants des travailleurs.

    L’information écrite porte sur :

    • la nature de la nouvelle technologie ;
    • les facteurs économiques, financiers ou techniques qui justifient son introduction ;
    • la nature des conséquences sociales qu’elle entraîne ;
    • les délais de mise en œuvre de la nouvelle technologie.

    Une concertation doit être organisée si la nouvelle technologie peut donner lieu à des « conséquences sociales collectives importantes ». Les conséquences sociales s’entendent comme une modification des conditions de travail, de l’organisation du travail ou des conséquences en matière d’emploi en raison de licenciements et de mutation.

    Le concept « important » signifie que 50 % et au moins 10 travailleurs sont concernés par la situation nouvelle.

    La concertation porte sur :

    • les perspectives de l’emploi du personnel, la structure de l’emploi et les mesures d’ordre social projetées en matière d’emploi ;
    • l’organisation du travail et les conditions de travail ;
    • la santé et la sécurité des travailleurs ;
    • la qualification et les mesures éventuelles en matière de formation et de recyclage des travailleurs.

    A défaut de respecter ces procédures d’information et de concertation, l’employeur ne peut accomplir un acte tendant à mettre fin unilatéralement au contrat de travail d’un travailleur, sauf pour des motifs étrangers à l'introduction de la nouvelle technologie concernée.

    La charge de la preuve appartient à l’employeur au cours de la période qui va du moment où il aurait dû procéder à l’information jusqu’à trois mois suivant la mise en œuvre effective de la nouvelle technologie. En dehors de cette période, la charge de la preuve du lien entre le licenciement et l’introduction de la nouvelle technologie appartient au travailleur.

    Rôle du conseil d’entreprise

    • Le conseil d’entreprise doit être informé ;
    • une concertation est réalisée, selon le cas, au sein du conseil d’entreprise, du Comité pour la prévention et la protection au travail et avec la délégation syndicale conformément aux missions dévolues à chacun de ces organes.

    N.B. “Selon le cas” ceci implique que les trois organes ne soient pas nécessairement tous concernés. Lorsqu’il s’agit par exemple de questions relatives à la santé et la sécurité des travailleurs, le Comité pour la prévention et la protection au travail est compétent.

    Surveillance par caméra – Information et consultation

    L’introduction d’une surveillance par caméra sur le lieu de travail ne peut être envisagée que si elle répond à des objectifs définis et moyennant le respect de conditions strictes satisfaisant aux principes de finalité, proportionnalité et transparence. Il s’agit en effet de garantir le respect de la vie privée des travailleurs.  

    La surveillance par caméra sur le lieu de travail concerne tout système de surveillance comportant une ou plusieurs caméras et visant à surveiller certains endroits ou certaines activités sur le lieu de travail à partir d'un point qui s'en trouve géographiquement éloigné dans le but ou non de conserver les images dont il assure la collecte et la transmission.

    Principe de transparence

    Préalablement à l’introduction d’une surveillance par caméras, l’employeur doit informer le Conseil d’entreprise sur tous les aspects relatifs à la surveillance par caméras.

    Cette information porte au moins sur les aspects suivants:

    • la finalité poursuivie ;
    • le fait que des images soient ou non conservées ;
    • le nombre de caméras et l’emplacement de la ou des caméras ;
    • la ou les périodes concernées pendant lesquelles la ou les caméras fonctionnent.

    Outre l’information préalable, le Conseil d’entreprise doit régulièrement évaluer les systèmes de surveillance mis en œuvre et si nécessaire, proposer des améliorations en fonction de l’évolution technologique. A défaut de Conseil d’entreprise, cette évaluation est réalisée par le Comité de prévention et de protection au travail.

    Principe de finalité

    Si la finalité est le contrôle du travail du travailleur, il ne suffit pas que l’employeur donne une description générale de cette finalité. Il doit avoir un motif particulier pour contrôler les travailleurs de cette manière sinon le contrôle par caméras est en contradiction avec le droit fondamental à l’estime et au respect. L’employeur doit communiquer cette motivation au Conseil d’entreprise.

    La surveillance par caméras sur le lieu de travail n’est autorisée que dans quatre cas:

    • pour la sécurité et la santé des travailleurs ;
    • pour la protection des biens de l’entreprise ;
    • pour le contrôle du processus de production. Dans le cas du contrôle des travailleurs, il a uniquement pour but l’évaluation et l’amélioration de l’organisation du travail ;
    • pour le contrôle du travail du travailleur. Ce contrôle n’est autorisé que s’il sert au mesurage du travail en vue de déterminer la rémunération ou à des implications sur les droits et obligations du personnel de surveillance. Le règlement de travail doit être préalablement modifié et doit déterminer la possibilité et les modalités du contrôle par caméra.

    Principe de proportionnalité

    La surveillance doit être adéquate, pertinente et non excessive. Si la surveillance entraîne une ingérence dans la vie privée, cette ingérence doit être réduite au minimum.

    Si, lors des discussions relatives à l’information communiquée, il s’avère que la surveillance par caméras envisagée peut avoir des implications sur la vie privée d’un ou plusieurs travailleurs, le Conseil d’entreprise doit être consulté sur les mesures qu’il y a lieu de prendre pour réduire au minimum cette ingérence. A défaut de Conseil d’entreprise, c’est le Comité pour la prévention et la protection au travail qui effectue cet examen. A défaut de comité, l’examen est effectué de commun accord entre l’employeur et la délégation syndicale.

    Le contrôle des données de communication électronique en réseau – Information et consultation

    Un contrôle de l’usage fait, à titre privé, par le travailleur, de l’outil informatique ne peut avoir lieu que moyennant le respect de certains principes et conditions.  

    Dans ce cadre, la convention collective de travail n°81 vise à garantir le respect du droit fondamental des travailleurs au respect de leur vie privée dans la relation de travail en définissant - compte tenu des nécessités d’un bon fonctionnement de l’entreprise - pour quelles finalités et à quelles conditions de proportionnalité et de transparence un contrôle des données de communication électroniques en réseau peut être installé et les modalités dans lesquelles l’individualisation est autorisée.

    Sont visés par la convention, les données de communication privées (mails, site internet, chat, sms, …). Le terme « données » vise l’objet, l’auteur et le destinataire et la durée de la communication. 

    Le contenu de la communication, proprement dite, ne peut, quant à lui, pas être contrôlé et individualisé.

    Ne sont pas visées par la convention, les communications dont l’objet et le contenu ont un caractère professionnel non contesté par le travailleur qui, elles, peuvent faire l’objet d’un contrôle par l’employeur.

    Ne sont pas non plus visées, les modalités d’accès et/ou d’utilisation des moyens de communication électroniques en réseau de l’entreprise qui sont une prérogative de l'employeur, ni les règles et pratiques existant dans les entreprises en ce qui concerne l'exercice des activités syndicales.

    L’introduction d’un contrôle des données de communication électroniques ainsi que, le cas échéant, l’individualisation de ces données, n’est autorisé que pour autant qu’il soit satisfait aux principes de finalité, de proportionnalité et de transparence.

    Principe de finalité

    Le contrôle de données de communication électroniques en réseau n’est autorisé que lorsque l’une ou plusieurs des finalités suivantes est  poursuivies :

    1. la prévention de faits illicites ou diffamatoires, de faits contraires aux bonnes mœurs ou susceptibles de porter atteinte à la dignité d’autrui ;
    2. la protection des intérêts économiques, commerciaux et financiers de l’entreprise auxquels est attaché un caractère de confidentialité ainsi que la lutte contre les pratiques contraires ;
    3. la sécurité et/ou le bon fonctionnement technique des systèmes informatiques en réseau de l’entreprise, en ce compris le contrôle des coûts y afférents, ainsi que la protection physique des installations de l'entreprise ;
    4. le respect de bonne foi des principes et règles d’utilisation des technologies en réseau fixés dans l’entreprise.

    Si de telles finalités existent, elles ne suffisent pas de facto à justifier le contrôle. Les travailleurs devront avoir été informés et les conditions définies pour procéder aux contrôles devront être respectées.

    Principe de proportionnalité

    Si le contrôle des données de communication entraîne une ingérence dans la vie privée du travailleur, cette ingérence doit être réduite au minimum.

    Principe de transparence et rôle du conseil d’entreprise

    L’employeur qui souhaite installer un système de contrôle des données de communication électroniques en réseau, informe le conseil d’entreprise sur tous les aspects du contrôle :

    • la politique de contrôle ainsi que les prérogatives de l’employeur et du personnel de surveillance ;
    • la ou les finalités poursuivies ;
    • le fait que des données personnelles soient ou non conservées, le lieu et la durée de conservation ;
    • le caractère permanent ou non du contrôle.

    Une évaluation des systèmes de contrôle installés doit, en outre, être régulièrement réalisée afin de  faire des propositions en vue de les revoir en fonction des développements technologiques.

    Outre cette information collective, l’employeur doit également procéder à une information individuelle des travailleurs lors de l’instauration des contrôles.

    Suite à la réalisation de contrôles des données opérées conformément aux principes précités, une individualisation des données peut éventuellement être réalisée.

    L’individualisation consiste à traiter des données de communication électroniques en réseau collectées lors d'un contrôle installé par l'employeur en vue de les attribuer à un travailleur identifié ou identifiable.

    Elle pourra, selon la finalité poursuivie, être réalisée dans le cadre d’une procédure directe ou indirecte.

    Prévention des vols et contrôle à la sortie – Information et consultation

    L’employeur qui souhaite instaurer des contrôles à la sortie du lieu de travail, en vue de prévenir ou de constater des vols dans l’entreprise doit prendre les mesures nécessaires afin que ces contrôles soient opérés de manière conciliable avec le respect de la vie privée des travailleurs dans l’entreprise et la protection de leur dignité.  

    Comme dans les autres matières relatives au respect de la vie privée dans le cadre de l’usage de nouvelles technologies, il est indispensable de respecter les principes de finalité, de proportionnalité et de transparence qui garantissent la protection de la vie privée.

    Principe de finalité

    Les contrôles à la sortie ne peuvent être instaurés que dans le but de prévenir ou de constater des vols de biens dans l’entreprise.

    Principe de proportionnalité

    Les contrôles à la sortie doivent être adéquats, pertinents et non excessifs au regard de l’objectif de prévention ou de constatation des vols à la sortie.

    Les contrôles ne peuvent être systématiques sauf s’ils sont réalisés au moyen de systèmes électroniques et/ou techniques.

    Par ailleurs, un contrôle effectué par une personne (il doit s’agir d’un agent de gardiennage) et destiné à prévenir un vol, le contrôle doit être aléatoire et susceptible de concerner tout travailleur (il ne peut pas concerner un travailleur particulier). Si, par contre, il s’agit de constater un vol et, à condition qu’il existe des motifs raisonnables de suspecter ce travailleur, le contrôle peut viser un travailleur précis. 

    En outre, un contrôle de sortie par un agent de gardiennage sur la base de l’existence de motifs valables de croire que le travailleur a volé des biens ne peut être effectué que si le travailleur y consent et sur les biens que le travailleur présente à l’agent. Il ne peut pas être question de fouilles corporelles.

    S’il s’agit de contrôles par échantillonnages, le consentement des travailleurs concernés par les contrôles de sortie en vue de prévenir le vol doit ressortir de l’indication dans le rapport du conseil d’entreprise ou du comité pour la prévention et la protection au travail que l’obligation d’information a été respectée de bonne foi et qu’un échange de vues a eu lieu (à défaut d’organes, le consentement peut ressortir du règlement de travail ou d’une convention collective de travail).

    Principe de transparence

    L’employeur doit - préalablement et à l’occasion de la mise en œuvre d’un système de contrôles à la  sortie – fournir au conseil d’entreprise une information détaillée et effective à propos du système qu’il envisage de mettre en place.

    A défaut de conseil d’entreprise, l’information est fournie au comité pour la prévention et la protection au travail ou, à défaut d’un tel comité, à la délégation syndicale ou, à défaut aux travailleurs.

    L’information porte sur :

    • le périmètre de l’entreprise ou du lieu de travail ;
    • les risques de vol dans l’entreprise ou sur le lieu de travail ;
    • les mesures, autres que ces contrôles, mises en place afin de prévenir ces risques ou d’y remédier ;
    • les méthodes de contrôles.

    En outre, une évaluation régulière des méthodes de contrôle utilisées doit être effectuée et des propositions en vue de les revoir en fonctions des développements technologiques peuvent être formulées.

    Lanceurs d'alerte

    La loi du 28 novembre 2022 sur la protection des personnes qui signalent des violations au droit de l'Union ou au droit national constatées au sein d'une entité juridique du secteur privé (loi sur les lanceurs d'alerte) prévoit la possibilité de signaler les violations commises par l'entreprise dans des matières bien définies énumérées par la loi, telles que, par exemple, la sécurité des produits, la protection de l'environnement et la protection des consommateurs.

    La loi sur les lanceurs d’alerte prévoit un système de notification interne et de notification externe.

    Rôle du conseil d'entreprise 

    L'employeur entrant dans le champ d'application de la loi sur les lanceurs d'alerte doit mettre en place des canaux et des procédures de signalement et de suivi internes, qui permettent aux employés de communiquer des informations sur les violations.

    Les canaux et procédures de signalement et de suivi internes à l'entreprise sont mis en place après consultation sociale. L'information et la consultation s'effectuent selon le système en cascade suivant : avec le conseil d'entreprise, en son absence, la délégation syndicale, en son absence, le comité pour la prévention et la protection au travail ou, en son absence, directement avec les travailleurs de l'entreprise.

    Vous pouvez contacter le SPF Economie pour plus d'informations sur la loi sur les lanceurs d’alerte.