Protection contre les représailles

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    Différentes protections ont été mises en place afin de permettre aux personnes qui s’estiment victimes de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail d’oser exposer leur situation sans craindre des représailles au niveau de leur situation professionnelle.

    Depuis les modifications de la loi en 2023 en matière de protection contre les représailles, une distinction est faite entre, d'une part, les actes de violence et de harcèlement moral au travail liés à un critère de discrimination et le harcèlement sexuel au travail, et, d'autre part, les actes de violence et de harcèlement non liés à un critère de discrimination.

    Violence et harcèlement moral non liés à un critère de discrimination

    Dès lors que le travailleur dénonce des comportements de violence ou de harcèlement moral qui ne sont pas liés à un critère de discrimination (tels que l'origine nationale ou ethnique, le sexe, le handicap, l'âge, l'état de santé actuel ou futur, l'orientation sexuelle, … ) , il bénéficie de la protection contre les représailles définie dans la loi relative au bien-être des travailleurs.

    Personnes protégées

    Les travailleurs protégés contre les représailles de l’employeur sont les suivants:

    • les travailleurs qui ont introduit une demande d’intervention psychosociale formelle pour faits de violence ou de harcèlement moral au travail auprès du conseiller en prévention aspects psychosociaux.

    Le fait qu’un travailleur retire sa demande d’intervention en cours de procédure ne signifie pas qu’il soit mis fin à la protection. En effet le demandeur a osé exprimer son problème dans l’entreprise, le risque de représailles est donc toujours présent. En outre, le retrait de la demande n’a pas d’effet rétroactif, par conséquent la demande ne peut pas être considérée comme n’ayant jamais existé.

    • les travailleurs qui ont déposé une plainte à l’inspection du Contrôle du Bien-être au travail, pour l’une des raisons suivantes:
       
      • L’employeur n’a pas désigné de conseiller en prévention aspects psychosociaux.
      • L’employeur n’a pas mis en place de procédure interne légale.
      • Selon le travailleur, le traitement de la demande d’intervention formelle n’a pas abouti à mettre fin aux faits.
      • Selon le travailleur, la procédure interne n’a pas été appliquée légalement.

    Pour pouvoir bénéficier de la protection, le travailleur doit indiquer dans sa plainte dans lequel de ces cas il se trouve.

    Dans les deux premières situations, le travailleur n’a pas pu utiliser la procédure interne car il n’y avait pas de conseiller en prévention aspects psychosociaux désigné ou parce qu’il n’y avait pas de procédure interne prévue ou qu’elle n’était pas légale. Pour bénéficier de la protection, la situation doit non seulement être inscrite dans la plainte mais également être remplie au fond. Par exemple, si le travailleur indique dans sa plainte qu’il n’y a pas de conseiller en prévention désigné, et qu’il subit une mesure préjudiciable après le dépôt de cette plainte, il n’aura pas droit à l’indemnité de protection auprès du tribunal s’il s’avère qu’il y avait bien un conseiller en prévention désigné au moment du dépôt de sa plainte.

    La troisième et la quatrième raison concernent les cas où le travailleur a bien fait usage de la procédure interne mais que celle-ci n’a pas, selon le travailleur, mis fin aux faits ou n’a pas été appliquée légalement. ‘Selon le travailleur’ signifie qu’il a le droit de se tromper et qu’il bénéficie de la protection même si, dans les faits, il s’avère que la procédure a abouti à mettre fin au faits ou a été appliquée légalement.

    Le travailleur a toujours le droit de déposer directement une plainte à l’inspection mais seuls seront protégés contre les représailles les travailleurs qui se trouvent dans l’un de ces quatre cas.

    • les travailleurs qui ont déposé une plainte à la police, auprès du Ministère public ou du juge d’instruction, pour l’une des raisons suivantes:
      • L’employeur n’a pas désigné de conseiller en prévention aspects psychosociaux.
      • L’employeur n’a pas mis en place de procédure interne légale.
      • Selon le travailleur, le traitement de la demande d’intervention formelle n’a pas abouti à mettre fin aux faits.
      • Selon le travailleur, la procédure interne n’a pas été appliquée légalement.
      • La procédure interne n’est pas appropriée vu la gravité des faits dont le travailleur a été l’objet.

    Pour pouvoir bénéficier de la protection le travailleur doit indiquer dans sa plainte dans lequel de ces cas il se trouve.

    Pour les quatre premières raisons il est renvoyé vers l’explication ci-dessus donnée au sujet des plaintes déposées à l’inspection.

    Comme pour ces plaintes, le travailleur peut toujours déposer directement une plainte à la police, auprès du Ministère public ou du juge d’instruction sans se trouver dans l’un de ces cas mais il ne bénéficie alors pas de la protection contre les représailles.

    La cinquième raison vise le travailleur victime de faits graves (par exemple de violences sévères, de viol, de coups et blessures volontaires, de traitements inhumains…). Dans ce cas, il est clair que la réponse négociée proposée par la procédure interne à l’entreprise n’est pas appropriée. Il est préférable de recourir directement aux autorités judiciaires. La protection commence alors à courir dès la réception de la plainte au pénal.

    Si, par exemple, le travailleur est licencié après avoir déposé une telle plainte à la police et réclame son indemnité de protection devant le tribunal, c’est le juge qui va décider si les faits présentent un caractère de gravité tel qu’ils rendaient la procédure interne inappropriée et donc, si le travailleur a droit à son indemnité de protection ou pas.

    • les travailleurs qui intentent  une action en justice  (ou pour lesquels une action est intentée) pour faire valoir leurs droits en matière de protection contre la violence et le harcèlement moral au travail;
       
    • les travailleurs qui ont été  témoins directs formels  dans le cadre de l’examen d’une demande d’intervention psychosociale formelle pour faits de violence et de harcèlement moral au travail et ceux intervenus comme  témoin en justice .

    Le témoin direct formel est celui qui porte à la connaissance du conseiller en prévention  aspects psychosociaux, dans le cadre de l'examen de la demande formelle, dans un document  daté et signé, les faits qu'il a lui-même vus ou entendus et qui portent sur la situation qui fait  l'objet de la demande.

    Nature de la protection

    L’employeur ne peut pas mettre fin à la relation de travail du travailleur protégé en représailles des démarches du travailleur ou des faits dénoncés lors de ces démarches.

    Il ne peut pas non plus prendre de mesures préjudiciables après la fin des relations de travail à l’encontre de ce travailleur protégé. Cela signifie qu’il ne peut pas, par exemple, refuser de fournir des références aux futurs employeurs de l’ancien travailleur pour l’unique raison qu’il a déposé une demande d’intervention psychosociale formelle pour faits de violence, de harcèlement moral au travail.

    L’employeur ne peut pas non plus prendre de mesures préjudiciables pendant la relation de travail. Il ne peut pas par exemple refuser d’accorder une formation en représailles à la demande d’intervention du travailleur.

    Cependant, l’employeur est tenu de prendre des mesures de prévention pour   éliminer le danger psychosocial, prévenir ou limiter les dommages. Dans ce cadre, il doit pouvoir modifier les conditions de travail du travailleur qui a introduit une demande si cela s’avère nécessaire.

    Il ne pourra le faire qu’à condition que ces mesures soient proportionnées et raisonnables dans le sens où il n’existe pas d’autres solutions possibles appropriées qui créent moins d’inconvénient pour le travailleur qui a entrepris les démarches. Par exemple, il peut s’avérer nécessaire d’adapter l’horaire de travail du travailleur demandeur (si ce n’est pas possible de changer celui de la personne mise en cause) afin qu’il ne soit plus en contact avec la personne qui le harcèle. En fonction du cas d’espèce, cette mesure pourrait être considérée comme proportionnée et raisonnable.

    Lorsque la rupture de la relation de travail ou une autre mesure préjudiciable interviennent dans les 12 mois qui suivent le moment où l’employeur a connaissance ou a pu raisonnablement avoir connaissance de l’introduction de la demande d’intervention,  de la plainte en externe ou du dépôt du témoignage, il reviendra à l’employeur de démontrer que:

    • ces mesures sont sans lien avec la démarche du travailleur ou avec les faits qui y sont relatés,
    • ou que la mesure de prévention qu’il a prise est proportionnée et raisonnable et avait pour but d’éliminer le danger psychosocial, prévenir ou limiter les dommages.

    Lorsque le travailleur a agi en justice, le même principe est d’application lorsque la rupture ou la mesure sont intervenus après l’intentement de l’action et jusqu’à trois mois suivant le jour où la décision judiciaire est passée en force de chose jugée (c’est-à-dire le moment où la décision n'est plus susceptible d’appel ou d'opposition, ou le moment où il a été statué sur ces voies de recours ordinaires).

    Point de départ de la protection

    Demande d’intervention psychosociale formelle pour faits de violence ou de harcèlement moral au travail

    La protection contre les représailles commence à courir à partir du moment où l’employeur a eu connaissance ou a pu raisonnablement avoir eu connaissance de l’introduction de la demande d’intervention psychosociale formelle pour faits de violence ou de harcèlement moral au travail. C’est par exemple le cas lorsque le travailleur a annoncé oralement lors d’une réunion qu’il avait déposé une demande.

    Plainte à l’inspection du Contrôle du bien-être au travail, à la police, à l’auditorat du travail, auprès du juge d’instruction

    La protection commence à courir à partir du moment où l’employeur a eu connaissance ou a pu raisonnablement avoir eu connaissance de l’introduction de la plainte.

    Information de l’employeur

    L’employeur est quant à lui informé du fait que le travailleur bénéficie d’une protection:

    • après l’acceptation de la demande ou après dépôt du témoignage –si le témoin y a donné son consentement- par le conseiller en prévention aspects psychosociaux,
    • après la réception de la plainte (qui répond aux conditions de forme) par l’inspection, la police, l’auditorat du travail, le juge d’instruction.

    Demande de réintégration

    Lorsque l’employeur licencie le travailleur protégé ou modifie unilatéralement ses conditions de travail, le travailleur ou l’organisation de travailleurs à laquelle il est affilié peut demander la réintégration de ce travailleur dans l’entreprise dans les conditions qui prévalaient avant ce licenciement ou cette modification.

    Cette demande de réintégration n’est pas obligatoire.

    La demande est faite par lettre recommandée, dans les 30 jours qui suivent la mesure prise par l’employeur. Celui-ci doit prendre position sur cette demande dans un délai de 30 jours.

    Si l’employeur réintègre le travailleur dans l’entreprise ou le reprend dans sa fonction antérieure, il est tenu de payer la rémunération perdue du fait du licenciement ou de la modification des conditions de travail et de verser les cotisations des employeurs et des travailleurs afférentes à cette rémunération.

    Indemnité de protection

    Si l’employeur refuse cette réintégration, le travailleur peut réclamer devant le tribunal du travail une indemnité égale, selon le choix du travailleur, soit à un montant forfaitaire correspondant à la rémunération brute de six mois, soit au préjudice réellement subi par le travailleur, à charge pour ce travailleur de prouver l’étendue de ce préjudice.

    La même indemnité peut être demandée directement au tribunal si le travailleur choisit de ne pas demander sa réintégration ou si l’employeur a pris vis-à-vis du travailleur protégé une autre mesure préjudiciable que le licenciement ou la modification unilatérale de ses conditions de travail.

    Elle sera due par l’employeur s’il n’arrive pas à prouver que la mesure n’est pas liée à la démarche ou à son contenu ou que la mesure est une mesure de prévention proportionnée et raisonnable.

    Durée de la protection

    Le travailleur peut à tout moment introduire une action en justice pour obtenir l’indemnité de protection s’il considère avoir fait l’objet de représailles de la part de son employeur.

    Cependant, si l’employeur a pris les mesures dans les 12 mois après avoir pris connaissance ou avoir pu raisonnablement avoir connaissance de l’introduction   de la demande d’intervention psychosociale formelle pour faits de violence ou de harcèlement, du dépôt du témoignage ou de l’introduction de la plainte en externe (c'est-à-dire auprès de l’inspection, de la police, du ministère public ou du juge d’instruction), il y a un renversement de la charge de la preuve.

    Cela signifie que c’est l’employeur qui devra prouver devant le juge qu’il ne s’agissait pas de représailles.

    Au-delà de ce délai, le travailleur peut toujours introduire une action en justice s’il considère avoir fait l’objet de représailles (il a par exemple été licencié suite à une plainte à la police pour harcèlement) mais il lui reviendra de le prouver pour pouvoir obtenir l’indemnité de protection.

    Défaut de protection en cas d’abus des procédures

    La protection contre les représailles est expressément exclue en cas d'abus des procédures.

    Le travailleur abuse de la procédure entre autre lorsqu’il l’utilise dans l’unique but d’éviter un licenciement, d’obtenir l’indemnité de protection ou de nuire à autrui.

    Il appartiendra au juge d’analyser chaque situation pour se positionner sur l’abus. Il tiendra compte des démarches du travailleur, de son attitude pendant ses démarches, du contenu de sa demande formelle ou de sa plainte, de la chronologie des faits…En cas d’abus, le travailleur ne peut pas obtenir l’indemnité de protection mais pourra aussi être redevable de dommages et intérêts ou être licencié pour motifs graves.

    Violence et harcèlement moral liés à un critère de discrimination ou harcèlement sexuel

    Dès lors que le travailleur dénonce des comportements de violence ou de harcèlement moral liés à un critère de discrimination (tels que l'origine nationale ou ethnique, le sexe, le handicap, l'âge, l'état de santé actuel ou futur, l'orientation sexuelle, … ) ou des faits de harcèlement sexuel, il bénéficie de la protection contre les représailles définie dans les législations anti-discrimination.

    Attention: Les législations de lutte contre les discriminations se composent de trois lois fédérales (la loi anti-discrimination du 10 mai 2007, la loi genre du 10 mai 2007 et la loi antiracisme du 30 juillet 1981) et des décrets et ordonnances des différentes entités fédérées sur le sujet. L’explication partielle ci-dessous concerne uniquement les 3 lois fédérales. Pour de plus amples informations, il est renvoyé vers l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes , le Centre interfédéral pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (Unia), het Vlaams Mensenrechteninstituut et le service Egalité des chances de la DG Droits fondamentaux du SPF Justice. Des règles spécifiques peuvent donc s’appliquer pour les agents des entités fédérées.

    En ce qui concerne les 3 lois fédérales, la nature, le point de départ et la durée de la protection ainsi que le montant de l’indemnité de protection sont identiques à ceux décrits ci-dessus pour les faits non discriminatoires dans la loi relative au bien-être. Les conséquences de l’abus des procédures sont également identiques.

    Au niveau des personnes protégées, sont visés par la protection :

    1) Le travailleur concerné par la discrimination présumée et qui:

    • Dépose une « plainte » (sans exigence formelle) ou fait un signalement dans l’entreprise. Sont visés par exemple:
      • Le travailleur qui introduit une demande d’intervention informelle auprès du conseiller en prévention aspects psychosociaux ou de la personne de confiance,
      • Le travailleur qui introduit une demande d’intervention formelle auprès du conseiller en prévention aspects psychosociaux,
      • Le travailleur qui signale des faits auprès de la hiérarchie (au sens large),
      • Le travailleur qui signale des faits auprès du médecin du travail, d’un autre conseiller en prévention, d’un délégué syndical, d’un assistant social...
    • Dépose une plainte auprès de l’inspection (même sans être passé par la procédure interne);
    • Dépose une plainte auprès de la police, du ministère public, du juge d’instruction (même sans être passé par la procédure interne);
    • Dépose une plainte ou fait un signalement auprès de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations (Unia), d’un groupement d’intérêts;
    • Dépose une plainte ou fait un signalement auprès d’un service chargé de la surveillance des actes et du fonctionnement des autorités administratives ou des instances administratives ou qui intervient afin de régler les litiges de façon extrajudiciaire;
    • au bénéfice duquel une action en justice est introduite par l’Institut , Unia ou un groupement d’intérêts, même en leur nom propre.

    2) Le travailleur qui intervient au bénéfice du travailleur concerné par la discrimination présumée et qui:

    • Fait un signalement dans l’entreprise  par exemple auprès de la personne de confiance, du conseiller en prévention aspects psychosociaux, de la hiérarchie (au sens large) , du médecin du travail, d’un autre conseiller en prévention, d’un délégué syndical, d’un assistant social;
    • Fait un signalement ou une dénonciation  a uprès de l’inspection , de la police, du ministère public, du juge d’instruction , de l’Institut, d’Unia, d’un groupement d’intérêts ;   d’un service chargé de la surveillance des actes et du fonctionnement des autorités administratives ou des instances administratives ou qui intervient afin de régler les litiges de façon extrajudiciaire;
    • Intervient comme témoins (directs, indirects, formels et informels);
    • Conseille, aide ou assiste le travailleur concerné par le comportement (par ex. le travailleur qui accompagne le travailleur à un entretien auprès du conseiller en prévention psychosocial).