2020 - Evaluation de l’impact de la nouvelle réglementation sur la réintégration au travail

Thème principal

2020 - Evaluation de l’impact de la nouvelle réglementation sur la réintégration au travail

Sous-thème

Une absence pour maladie de longue durée représente un coût important pour l’employeur, pour la sécurité sociale et pour la société, mais certainement aussi pour le travailleur en incapacité de travail lui-même: elle conduit à une perte de revenus, perte de contacts sociaux, et souvent aussi à davantage de problèmes de santé. Au plus longtemps une personne est en incapacité de travail, au plus il lui est difficile de retourner au travail. Il est donc primordial de donner aux travailleurs toutes les chances de se remettre au travail à un stade précoce. Le déroulement d’un trajet de réintégration doit permettre aux employeurs et aux travailleurs de prendre conscience qu’il existe réellement des possibilités pour la réintégration, et de les aider à saisir cette opportunité.

Pour cette raison, une distinction a été établie suivant qu’il s’agisse de la réintégration de travailleurs en incapacité de travail ou bien de personnes en incapacité de travail qui ne sont pas liées par un contrat de travail.

C’est ainsi que des modifications dans la législation INAMI et dans la législation du bien-être au travail sont entrées en vigueur au 1 janvier 2017.

Pour les personnes en incapacité de travail sans contrat de travail, il existe un trajet de réintégration axé sur la réintégration socio-professionnelle que le médecin-conseil de la mutuelle mène et au cours duquel il collabore e.a. avec les organismes régionaux pour l’emploi (Forem, VDAB, Actiris).

Dans le cadre de l’arrêté royal du 8 novembre 2016 portant modification de l’arrêté royal du 3 juillet 1996 en ce qui concerne la réinsertion socioprofessionnelle (publié au Moniteur belge du 24 novembre 2016, Ed.2), l’INAMI va évaluer sur une base régulière l’efficacité et les effets du présent arrêté dans la pratique.

Depuis la parution du code du bien-être au travail, les modifications de la législation bien-être au travail concernant le trajet de réintégration se trouvent aux articles I.4-72 à I.4-82 du code (chapitre VI du livre Ier, titre 4). Les pages web suivants sur ce site expliquent cette nouvelle législation: Réintégration des travailleurs en incapacité de travail.

Timing

2018 - 2020

Commanditaire

Direction de la recherche sur l’amélioration des conditions de travail (DiRACT)

Equipe de recherche

  • Lode Godderis, Centrum voor Omgeving en Gezondheid, KuLeuven
  • Jeroen Luyten, KuLeuven
  • Jozef Pacolet, HIVA, KuLeuven
  • Inge Neyens, LUCAS, KuLeuven
  • Vanessa De Greef, ULB
  • Hélène Deroubaix, ULB

Projet de recherche

Objectifs

L’objectif du présent marché est d’évaluer l’impact de cette nouvelle législation en matière de réintégration au travail pour les travailleurs en incapacité de travail, particulièrement dans le but de voir ce qui se passe avec les travailleurs pour lesquels une réintégration dans l’entreprise n’était pas possible suite à la décision c) ou d)  et de formuler éventuellement des recommandations pour améliorer cette nouvelle législation et son application dans la pratique.

C'est pourquoi le groupe de recherche Environnement et Santé de la KU Leuven a évalué la réforme de manière quantitative et qualitative. Ils ont examiné l'impact de la réglementation sur la réintégration des travailleurs, et la manière dont elle pourrait être optimisée le cas échéant.

La réforme a également fait l'objet d'une évaluation juridique par des chercheurs de l'ULB. Actuellement, les décisions de justice depuis l’entrée en vigueur de la réforme sont encore très rares et il faudrait attendre minimum deux ans encore avant de proposer une analyse circonstanciée de la jurisprudence. Il est cependant possible que le contentieux judiciaire soit beaucoup plus limité que par le passé en raison du travail de négociation entre parties qui a lieu dans le cadre d’une phase pré-contentieuse qui peut être la phase définitive d’un conflit (qui ne sera donc jamais porté devant les juridictions du travail). Dans ce nouveau cadre, le rôle de l’avocat semble, lui aussi, évoluer : beaucoup d’avocats interviennent avant tout contentieux judiciaire, pour négocier la rupture du contrat de travail.  L’analyse juridique analyse la façon dont ces négociations ont lieu et établit une série de points d’attention qui visent également à adapter la réglementation existante.

Méthodologie

Le volet quantitatif (MT1) de l'évaluation consistait en une enquête par questionnaire. Les questions de recherche du volet quantitatif étaient les suivantes :

  • QR1 : Quel pourcentage du nombre total de cas traités reçoit une décision A, B, C, D ou E.
  • QR2 : Combien de cas sont (encore) sur le marché du travail après le TR ?
  • QR3 : Quel pourcentage de cas fait l'objet d'une décision de force majeure médicale ?
  • QR4 : Combien de cas de résiliation de contrat pour cause de force majeure médicale sont de retour au travail après le TR ?

Au volet quantitatif est venu s'ajouter le volet qualitatif (MT2), lequel consistait en des groupes de concertation avec les principales parties prenantes au titre de la législation. Les questions de recherche du volet qualitatif étaient les suivantes :

  • QR5 : Comment les différentes parties prenantes vivent-elles la nouvelle réglementation et le TR depuis lors ?
  • QR6 : Comment améliorer la réglementation actuelle en fonction de ces différentes parties prenantes ?

Cinq groupes de parties prenantes ont été interrogés dans le cadre de groupes de concertation homogènes : les patients ou travailleurs ayant suivi un TR, les médecins généralistes, les médecins-conseils, les médecins du travail et les employeurs.

Le volet juridique (MT3) se découpe en deux parties.

La première partie fait état des conclusions de deux séminaires d’avocats (un francophone et un néerlandophone) conduits à la fin de l’année 2019. L’objectif était de comprendre quelle stratégie juridique était mobilisée par les avocats avec le nouveau cadre législatif et réglementaire.

La seconde partie du volet juridique se veut propositionnelle et liste une série de points qui pourraient être abordés dans le cadre d’une refonte de la réforme.

Résultats

Volet quantitatif (MT1)

L'enquête par questionnaire a montré que dans le cadre d'un TR, la plupart des travailleurs (73%) recevaient une décision d'incapacité de travail définitive (C ou D). Le demandeur du TR était dans la plupart des cas le travailleur lui-même ou son médecin traitant (52 %), et dans une minorité de cas l'employeur (32 %) ou le médecin-conseil (16 %).

Les résultats descriptifs ont montré que les travailleurs ayant suivi une voie formelle de réintégration (un TR) et les travailleurs ayant suivi une voie informelle (VP) sont des groupes très différents et non comparables.

Au sein du groupe TR, la cause de l'incapacité de travail était plus souvent liée au travail (stress, épuisement ou conflit) ou à des troubles musculo-squelettiques.

En ce qui concerne la reprise du travail, 42 % des personnes interrogées ont repris le travail après leur TR, 69 % d'entre elles l'ont fait chez un autre employeur (QR2). Au total, 56 % des personnes interrogées ont vu leur contrat résilié pour cause de force majeure médicale (QR3). Néanmoins, 37 % d'entre elles ont repris le travail chez un autre employeur (QR4). Au sein du groupe VP en revanche, les personnes interrogées ont repris le travail dans 73 % des cas, la majorité d'entre elles auprès de leur propre employeur (87 %).

Volet qualitatif (MT2)

Au sein du volet qualitatif, nous avons pu identifier, grâce aux groupes de concertation, les facteurs qui entravaient ou au contraire favorisaient la réintégration pour les parties prenantes, toujours dans le cadre de la réglementation actuelle (QR5). Ces facteurs ont été classés sous différents thèmes généraux (cadre/processus légal, disponibilité du travail adapté, communication entre les différents acteurs (médicaux), alternatives au TR, force majeure médicale) et thèmes secondaires. Cette analyse qualitative et un examen de la littérature internationale nous ont par ailleurs permis de formuler diverses recommandations visant une optimisation de la réglementation (QR6).

Volet juridique (MT3)

Il apparaît que dans leur pratique, les avocats sont principalement en charge de conseiller leurs clients dans le cadre de ruptures pour force majeure médicale. Il apparaît que la rupture pour force majeure médicale est parfois un bon compromis pour les deux parties : pour l’employeur, sur le plan financier, pour le travailleur, sur le plan financier également dans le sens où la démission serait trop coûteuse (tant en termes de durée de préavis à prester qu’en termes d’accès tardif à la sécurité sociale).

Cette partie répond à 15 questions et propose des pistes de refonte de la réforme.

  1. La rupture pour force majeure médicale est-elle en pratique une rupture pour force majeure?
  2. La rupture pour force majeure médicale est-elle attractive pour les deux parties?
  3. Y a-t-il des éléments à préciser par le législateur dans le cadre des ruptures pour force majeure médicale?
  4. Le trajet de réintégration, est-il un frein à la rupture pour force majeure médicale?
  5. Comment chercher (et trouver) un travail adapté?
  6. Le travailleur peut-il introduire un recours contre la décision du conseiller en prévention-médecin du travail comme pour les autres examens de prévention?
  7. Le conseiller en prévention-médecin du travail peut-il être indépendant ou comment garantir les missions du conseiller en prévention-médecin du travail?
  8. Quels ponts doivent-être établis entre le droit du travail et le droit de la non-discrimination?
  9. La réglementation relative aux aspects collectifs des trajets de réintégration est-elle adéquate?
  10. Les délais de rédaction et d’approbation du plan sont-ils adéquats?
  11. L’exclusion des accidents du travail et les maladies professionnelles du trajet de réintégration est-elle une exclusion?
  12. Le champ d’application de certains pans de la réforme doit-il être élargi ou réexpliqué?
  13. La coordination avec la législation assi (inami) doit-elle être repensée ou simplement réexpliquée?
  14. Les risques psycho-sociaux sont-ils assez pris en considération dans le cadre des trajets de réintégration?
  15. Le législateur devrait-il mentionner davantage d’éléments au sujet de l’avenant au contrat de travail?

Conclusion, recommandations et suggestions

Rassembler les résultats et les analyses des volets quantitatif et qualitatif (MT1 et MT2) nous permet de constater que la réforme conduit effectivement à la réintégration des travailleurs en incapacité de travail, le plus souvent chez un autre employeur. Malgré la connotation négative associée au TR et à la force majeure médicale, la démarche donne lieu dans de nombreux cas à une reprise effective du travail, le plus souvent chez un autre employeur. Les travailleurs ont d'ailleurs régulièrement recours au TR pour se dégager une possibilité d'aller travailler chez un autre employeur. Sur ce plan, des abus de la part des employeurs – mais aussi parfois des travailleurs – sont dénoncés.

Toutefois, selon les parties prenantes interrogées, certaines conditions préalables qui pourraient garantir la réussite de la mise en œuvre de la réglementation ne sont pas remplies. L'un des principaux écueils est le démarrage tardif du processus de réintégration dans de nombreux cas, qui fait que même le TR n'est plus vraiment pertinent. Une même conclusion peut être tirée des réponses au questionnaire. Aussi, une recommandation prioritaire serait de prendre des mesures visant à favoriser une réintégration précoce et à faciliter la reprise de travail.

La réforme a néanmoins permis d'inscrire la question de la réintégration plus haut dans la liste des priorités de nombreux employeurs et acteurs médicaux, ce qui n'était pas le cas auparavant. De très nombreuses bonnes pratiques ont ainsi été formalisées dans diverses initiatives politiques.

Concernant le volet juridique, plusieurs recommandations prioritaires peuvent aussi être formulées.

  1. Il serait opportun de bien clarifier les objectifs des prochaines réformes, notamment les sous-questions suivantes:
    • l’objectif est-il de sécuriser la relation de travail pendant la période de travail adapté ou de clarifier des relations de travail « mortes-vivantes » ou dont la poursuite est incertaine ?
    • Le champ d’application doit-il être plus large que ce qu’il est actuellement ?
       
  2. Malgré le fait que la réforme donne un rôle au CPPT, celui-ci semble largement sous-utilisé dans la pratique. Il faudrait s’assurer que la question de la réintégration occupe une place centrale dans l’entreprise, par exemple en analysant les moyens dont le CPPT a besoin pour investir cette question ou lorsqu’un CPPT ne doit pas être mis en place, en s’assurant que des services puissent être contactés facilement sur le sujet (ex. ligne verte au niveau du SPF Emploi ou d’une autre administration comme le service régional de l’emploi ou le service communautaire pour personnes handicapées qui s’y connaît bien en travail adapté).
     
  3. Il y a une nouvelle réflexion à mener sur la façon dont les risques psychosociaux au travail (RPS) peuvent être sujets à des trajets de réintégration, sans se limiter à analyser seulement l’incapacité du travailleur. En effet, le trajet et le plan de réintégration ont des visées individuelles : ils ne concernent que le travailleur en incapacité et ne traitent pas directement des organisations du travail défaillantes sur le plan du bien-être au travail.

Publications

Résumé (Octobre 2020):

Evaluation de l'impact de la nouvelle réglementation sur la réintégration au travail. Synthèse de l'évaluation quantitative, qualitative et juridique (PDF, 396.71 Ko)
MSc. Isabelle Boets & Prof. Dr. Lode Godderis, KU Leuven
Prof. Dr. Vanessa De Greef & MSc. Hélène Deroubaix, ULB

Rapport global (Octobre 2020):

Renseignements complémentaires

Si vous souhaitez obtenir des informations supplémentaires au sujet de cette recherche ou des publications, vous pouvez prendre contact avec la Direction de la Recherche sur l'Amélioration des Conditions de Travail (DIRACT), Rue E. Blérot 1 - 1070 Bruxelles, alain.piette@emploi.belgique.be.