La nouvelle Autorité européenne du travail compte aussi sur notre SPF

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2019

Installée dans la capitale slovaque Bratislava, l’Autorité européenne du travail (European Labour Authority - ELA en anglais) va aider les Etats membres de l’UE à bien canaliser la libre circulation des travailleurs dans l’Union. Le SPF Emploi a été étroitement associé à la création et au lancement de l’ELA en 2019 et attend beaucoup de la toute nouvelle Agence européenne.

Dès son entrée en fonction, le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a insisté sur la nécessité de clarifier, de renforcer et de bien respecter les règles en matière de mobilité professionnelle au sein de l’UE. Sous son impulsion et sous celle de la Commissaire pour l’Emploi, Marianne Thyssen, la directive détachement a été revue et la révision de la directive de coordination de la sécurité sociale a été entamée. Mais Jean-Claude Juncker voulait aller plus loin qu’une simple adaptation de la réglementation : il fallait faire aussi une différence sur le terrain pour les 17,5 millions d’Européens qui travaillent dans un Etat membre autre que celui de leur nationalité. C’est pourquoi, dans son « Discours sur l’état de l’Union » annuel en septembre 2017, il a proposé la création d’une Autorité européenne du travail :

Nous devrions faire en sorte que toutes les règles de l'UE en matière de mobilité des travailleurs soient mises en œuvre de manière juste, simple et efficace par un nouvel organisme européen d'inspection et d'application des règles. Il est absurde de disposer d'une Autorité bancaire pour faire appliquer les normes bancaires, mais pas d'une Autorité commune du travail pour veiller au respect de l'équité dans notre marché unique. Nous allons créer une telle autorité

Approuvé à une vitesse record

La proposition formelle de la Commission est arrivée le 13 mars 2018 et a été négociée dans le groupe de travail « Affaires sociales » par Ria Schoofs, conseillère à la Direction de la coordination-UE  et ses collègues du SPF Sécurité sociale, assistés par des experts des deux SPF. A côté de cela, il y a eu un « Groupe consultatif » chargé de préparer la création concrète de l’ELA et dans lequel Tom Bevers représentait le SPF Emploi, en étroite collaboration avec la Direction générale Contrôle des lois sociales et le SIRS, de même que les autres services d’inspection sociale. Ainsi, la coopération entre nos services d’inspection et les collègues néerlandais a été présentée comme modèle pour l’ELA. Soutenir des inspections conjointes ou parallèles est en effet une des missions clés de l’Autorité. En outre, l’ELA veillera à ce que les employeurs, les travailleurs et les demandeurs d’emploi actifs dans un Etat membre autre que leur pays d’origine puissent trouver facilement les informations nécessaires sur la législation et les conditions de travail. De même, l’échange d’informations entre les services d’inspection et d’autres instances de différents pays est également une des tâches qui incombera à l’ELA. L’Autorité jouera également un rôle de médiation en cas de différences d’interprétation de la législation en matière de détachement. Elle reprend également une partie des activités d’EURES (l’échange d’emplois vacants entre les services de l’emploi). Enfin, la Plate-forme contre le travail non déclaré, à laquelle collaborent Hilaire Willems et Bart Stalpaert pour le SPF Emploi, est aussi intégrée dans l’ELA.

La proposition de création a été traitée à une vitesse record, par rapport aux autres normes européennes. C’est EURES et la médiation qui ont donné lieu au plus grand nombre de discussions ainsi que la question de savoir si l’ELA allait devenir une ‘Autorité’ ou une ‘Agence’. Mais Jean-Claude Juncker a obtenu son ‘Autorité’ et après que les Ministres de l’Emploi ont préféré Bratislava à Nicosie, Sofia ou Riga comme siège pour l’ELA, le règlement instituant l’ELA a été adopté formellement le 20 juin 2019 par le Conseil européen et le Parlement européen. Il est entré en vigueur le 31 juillet 2019.  

Petites institutions mais avec de grandes attentes

Le gros du travail devait encore commencer. Pour pouvoir démarrer, la Commission européenne a désigné Jordi Curell, directeur à la DG EMPL, comme directeur exécutif ad interim et une "establishment team” a été mise sur pied. Les 28 Etats membres et la Commission ont désigné un Conseil d’administration, dans lequel siègent pour la Belgique, Tom Bevers (SPF Emploi) et Muriel Rabau (SPF Sécurité sociale). Des pays tiers (Norvège, Suisse et Liechtenstein), le Parlement européen et les partenaires sociaux envoient des observateurs au Conseil, parmi lesquels Véronique Willems qui représente SMEUnited (l’organisation faîtière à laquelle notre pays est affilié via l’Unizo).  

Lors de la session d’ouverture solennelle du Conseil d’administration réunissant Jean-Claude Juncker, le Premier ministre slovaque et les commissaires Valdis Dombrovskis et Marianne Thyssen, cette dernière a exprimé l’espoir que l’ELA soit l’élément qui facilite le bon fonctionnement du Marché Intérieur de l’UE. Un objectif ambitieux pour une petite agence qui, en 2024, pourra compter sur 144 membres du personnel et un budget de 49,5 millions d’euros.

La machine à café à Bratislava

Ce Conseil d’administration a choisi en décembre 2019, à la quasi-unanimité (une seule abstention), Tom Bevers comme premier président. Il a également fixé, en décembre, les priorités pour 2020 : élaborer un cadre pour des inspections communes et essayer d’harmoniser l’information qui est disponible, surtout sur internet, pour les travailleurs mobiles et les entreprises. Pour cela aussi, on a fait appel à l’expertise de notre SPF en la personne de Hilaire Willems (qui a été détaché du CLS vers l’ELA) et qui travaille sur la collaboration entre les services d’inspection.  

Pour nos services d’inspection, il est primordial que l’ELA fonctionne bien : la Belgique est un des pays recevant le plus grand nombre de travailleurs détachés. La coopération entre nos services d’inspection et ceux des autres pays est dès lors indispensable pour échanger des informations ou pour intervenir ensemble, là où cela s’avère nécessaire. Pouvoir vérifier rapidement si une entreprise qui a été créée ailleurs en Europe est plus qu’une simple firme boîte aux lettres ou si les travailleurs détachés en Belgique ont d’abord bel et bien été occupés dans le pays d’origine de l’entreprise serait un grand pas en avant pour nous aussi. Par ailleurs, fournir des informations correctes relève parfois du défi dans notre pays ; la législation et les conventions collectives de travail constituent un ensemble complexe dans lequel une entreprise étrangère ne s’y retrouve pas toujours.   

Pour le moment, l’ELA travaille à partir de Bruxelles, pendant la préparation du bâtiment à Bratislava et la conclusion des contrats nécessaires. Le déménagement se fera en 2020 ou début 2021. En 2020, les premières inspections communes seront également planifiées. Entre-temps, les “National Liaison Officers” ou NLO auront pris du service : chaque Etat membre va détacher une personne à l’ELA à Bratislava. Cette dernière sera la personne de contact pour les Autorités et pour les collègues des autres Etats membres. Pour citer Marianne Thyssen : « Les problèmes pour lesquels on a besoin actuellement de longs échanges de mails pourront se régler à Bratislava autour de la machine à café ». C’est Karel De Ridder qui deviendra le NLO pour la Belgique. Ce directeur général à l’ONSS est également bien connu au sein du SPF Emploi.