Colleagues, good morning, good afternoon and good evening!

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2020

Depuis mars 2020, tout le monde au sein du SPF s’est habitué aux téléconférences. Il arrive parfois que l’on passe une journée complète à parler à notre écran. Il a fallu s’adapter. C’est vrai pour nous tous, mais aussi et surtout pour les institutions internationales où les réunions regroupant des dizaines de participants issus de nombreux pays sont soudainement devenues un fruit défendu...

Il a fallu un petit temps à ces institutions internationales pour se remettre du choc. Certaines ont néanmoins pris des mesures très rapidement. Par exemple, dès début février, les visiteurs à l’OCDE étaient accueillis avec un thermomètre lorsqu’ils souhaitaient entrer dans le bâtiment, et ils n’étaient pas admis à l’intérieur s’ils s’étaient rendus récemment en Chine ou dans un autre pays faisant (alors) partie des plus touchés. Mais quand les portes se sont véritablement fermées, ces institutions ont toutes perdu leurs repères. Comment allait-on faire maintenant que les réunions n’étaient plus possibles pour le groupe de travail sur tel thème, la commission qui examinait telle proposition et le conseil pour la discussion de la priorité numéro trois ?

Dans un premier temps, elles ont cherché refuge dans des procédures écrites. Les travaux les plus urgents ont pu être finalisés ainsi. Tout le monde se rendait bien compte que le moment était mal choisi pour créer de nouvelles difficultés. Mais rapidement, il est apparu qu’une forme de concertation restait nécessaire. Notamment pour échanger des expériences sur les mesures prises pour limiter au maximum l'impact de la pandémie sur le marché du travail. C’est ainsi que le niveau international a lui aussi découvert Teams, Zoom, Skype, Webex… et toutes sortes de plateformes que seuls les vrais initiés connaissaient jusqu’il y a peu. La première vidéoconférence des ministres du travail et des affaires sociales de l’Union européenne s’est tenue le 16 mars. Pas de session formelle du Conseil, car ce n’était pas possible par vidéo. Les points formels de l’ordre du jour ont été déplacés au niveau des ambassadeurs. L'échange informel d'idées était pour les ministres...

Plus de repère temporel

L'OCDE a une fois de plus réagi rapidement. L’organisation avait déjà une expérience (limitée) des vidéoconférences, et Zoom est apparue comme étant une plateforme rapidement disponible et flexible. C'est ainsi que, le 6 avril, Tom Bevers, conseiller général à la Division des relations internationales et des études socioéconomiques a pu ouvrir le « Working Group on Employment », devant une centaine de participants, avec les paroles historiques par lesquelles la présente contribution commence. Car, s'il était 14h à Paris et à Bruxelles, il n'était encore que 9h à Washington, et minuit et... 2h du matin pour nos collègues d'Australie et de Nouvelle-Zélande.

Le Conseil de l’Europe et l’Organisation internationale du Travail ont eu le plus de difficultés à opérer cette transition. Une longue tradition de procédures formelles ne favorise pas une approche numérique, et il est clair qu’au début, l’utilisation de plusieurs langues n’était pas le point le plus fort des plateformes numériques. Pour l’OCDE, laisser tomber le français fut déjà une petite révolution, et notons sans ironie que, un mois et demi après le "Brexit", l'UE est également passée temporairement à un régime unilingue anglais. Il est toutefois apparu que ce n’était pas tenable partout. Pour l’OIT, le caractère tripartite de l’organisation ajoute une dimension supplémentaire : il ne suffit pas que le ministère ait accès à internet, il faut aussi que le Wi-Fi des syndicats et des employeurs ne flanche pas au moment crucial. C’est comme ça qu’ont été annulées non seulement la réunion du conseil d'administration de mars, mais aussi la Conférence internationale du travail, qui avait célébré le centenaire de l'organisation un an plus tôt en grande pompe et avec une série de chefs d'État et de gouvernement. Ce n'est qu'à l'automne que le fonctionnement formel a repris, bien que des procédures pratiques (et bien sûr numériques) temporaires aient été mises en place dans l'intervalle.

Quand le chat est là...

Après l'été, la transition était presque entièrement achevée. Même l’élection du premier « Executive Director » de la European Labour Authority a dû avoir lieu, par la force des choses, au cours d’une réunion numérique.

Cette élection s’est déroulée sans accroc, malgré la crainte de Tom Bevers devoir annoncer que la majorité des deux tiers n'avait pas pu être atteinte, faute de concertation dans les couloirs. Car ces couloirs sont désespérément vides depuis 2020. Les mauvais cafés manquent moins que les conversations "off the record", si importantes, et le réseautage qui en résulte.

Ces contacts informels avec les collègues ont laissé place à toutes sortes de nouveaux phénomènes. Par exemple, le dress code est passé du "costume-cravate" (pour les hommes en tout cas) à parfois dans les cas les plus extrêmes "juste pas en pyjama" ; des animaux de compagnie du monde entier ont fait leur apparition à l’écran - un chien réagissant parfois à un autre se trouvant à des milliers de kilomètres ; et des enfants ont parfois trouvé la réunion moins ennuyeuse que leurs parents. Certains collègues ont décidé de s'installer dans un jardin, avec vue imprenable ou non, ou se sont virtuellement déplacés dans un vaisseau spatial. Jusqu’à ce que les organisations « sérieuses » créent leur propre arrière-plan, celui-là même qui rogne régulièrement une partie de vos cheveux ou même de vos oreilles.

La traditionnelle ouverture de séance « Thank you chair » a été remplacée par « Can you hear me ? ». - à laquelle la réponse la plus courante semble être « You’re still on mute ». Et il est souvent arrivé qu’on oublie d’appuyer sur le bouton mute justement quand il aurait fallu le faire ; heureusement, la langue indiquait généralement d'où provenait l'intervention soudaine, mais pas ce que le cher mari devait rapporter de l'Aldi de Bucarest. Et il a été possible de suivre dans toute l'UE la conversation précisant le type de linge qui devait être mis à sécher. (Pour les plus curieux, il était apparemment question de la lessive des couleurs foncées). Enfin, on avait parfois l’impression que le vaisseau spatial en arrière-plan n'était pas si virtuel que cela, et que des créatures extraterrestres à la voix très métallique ou à l’écho étrange se trouvaient dans la réunion. Comme si les réunions "au niveau mondial" n'allaient pas encore assez loin !

Brève et efficace

Au-delà de cette dimension comique, la téléconférence présente de réels avantages. Il est plus facile, moins coûteux et moins chronophage d’organiser une réunion si vous ne devez pas vous rendre à Paris dans la vie réelle, mais seulement virtuellement. La plupart font également en sorte que leurs interventions soient plus courtes - et si elles deviennent vraiment trop longues, vous pouvez facilement cliquer sur autre chose ou envoyer une petite blague à un collègue. Il faut juste veiller à utiliser le bon chat et à ne pas trop rire lorsque la caméra est branchée ! Souvent, la réunion aboutit à une décision plus rapidement, vu les interventions moins nombreuses et plus courtes. Il est également possible de combiner plusieurs réunions dans des cadres différents au cours d'une même journée, alors que cela serait physiquement impossible autrement.

Mais c'est également l'un des grands inconvénients, car il est rare que l’on accorde alors une attention sans faille à la réunion, ce qui est fatal pour certains formats de réunion. D'autant plus que la tentation est grande de lire rapidement un mail ou d’y répondre lorsque la réunion devient très ennuyeuse - de préférence après avoir pris soin d’éteindre la caméra. Le fait que les téléconférences sont plus fatigantes que les réunions ordinaires semble également établi.

Ce que l'avenir nous réserve est, comme pour d'autres développements liés à la Covid, difficile à prévoir. La Conférence internationale du Travail 2021 se déroulera, mais au format numérique. Néanmoins, le monde entier attend avec impatience la véritable conférence de 2022. Le besoin de se revoir est grand dans toutes les autres instances également, mais il semble bien que l'expérience acquise en 2020 sera mise à profit à l'avenir afin d'organiser des réunions courtes, intermédiaires ou plus rapides. Espérons que les collègues de notre équivalent national en Nouvelle-Zélande en ont tenu compte dans la loi locale sur le travail de nuit...