Violence, harcèlement moral et harcèlement sexuel au travail: modifications de la protection du travailleur contre les représailles

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Une nouvelle réglementation modifiant la protection contre les représailles de l’employeur en matière de discrimination et de violence, de harcèlement moral ou sexuel au travail a été publiée au moniteur belge du 15 mai 2023.

Il s'agit d'une loi et d'un arrêté royal:

  •  la loi du 7 avril 2023 modifiant:
    • a loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes (la loi genre),
    • la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie (la loi antiracisme),
    • la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination (la loi anti-discrimination),
    • la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail, (la loi sur le bien-être);
  • l'arrêté royal du 1er mai modifiant le titre 3 du livre I du Code sur le bien-être au travail, concernant l’information de l’employeur relative à la protection contre les mesures préjudiciables dans le cadre de la procédure interne.

La loi et l’arrêté royal entrent en vigueur le 1er juin 2023.

Contexte de la nouvelle réglementation

La raison de ces modifications est entre-autre un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (l'affaire "Hakelbracht"), qui a jugé le système légal de protection des lois fédérales anti-discrimination insuffisant au regard des obligations imposées par les directives européennes.

Dans ces lois, seuls les témoins qui ont déposé leur témoignage dans un document écrit dans le cadre d’une plainte officielle sont protégés. Selon la Cour, la directive vise la protection des travailleurs ayant pris la défense de la personne protégée ou témoigné en sa faveur tant de manière formelle qu’informelle.

Pour s'y conformer, les 3 lois fédérales de lutte contre les discriminations ont élargi le champ d’application des personnes protégées et supprimé les exigences formelles.

Vu que la loi relative au bien-être des travailleurs vise aussi des comportements discriminatoires – à savoir les comportements de violence ou de harcèlement basés sur un critère de discrimination (tels que l'origine nationale ou ethnique, le sexe, le handicap, l'âge, l'état de santé actuel ou futur, l'orientation sexuelle, …) et les comportements de harcèlement sexuel, elle a également du être modifiée pour répondre à l’arrêt de la Cour de Justice. L'arrêté royal, quant à lui, met en œuvre les modifications apportées à la loi relative au bien-être.

Travailleurs protégés

Travailleurs qui s’estiment victimes de comportements de violence ou de harcèlement moral liés à un critère de discrimination ou de harcèlement sexuel

La loi relative au bien-être renvoie à l’application de la protection contre les représailles des législations de lutte contre les discriminations pour les travailleurs qui entreprennent les démarches visant des faits de violence ou de harcèlement moral au travail liés à un critère de discrimination, ou des faits de harcèlement sexuel au travail. Cela permet de protéger de la même manière toutes les personnes discriminées.

Ces travailleurs sont donc protégés lorsqu’ils entreprennent les démarches citées dans les législations de lutte contre les discriminations.

Travailleurs qui s’estiment victime de comportements de violence ou de harcèlement sans lien avec un critère de discrimination

Pour les comportements de violence et de harcèlement moral qui ne sont pas liés à un critère de discrimination, la protection contre les représailles, telle que réglementée par la loi relative au bien-être, continue de s'appliquer.

Point de départ de la protection

Le point de départ de la protection a été modifié dans la loi relative au bien-être et les lois fédérales de lutte contre les discriminations. Il ne s’agit plus du moment où la demande d’intervention formelle ou la plainte a été réceptionnée. La protection commence désormais à courir dès que l'employeur a connaissance de la démarche entreprise, ou a pu raisonnablement en avoir connaissance.

Etendue de la protection

La protection a été clarifiée dans la loi relative au bien-être et les lois fédérales de lutte contre les discriminations: sont désormais explicitement interdit le licenciement ou toute autre mesure préjudiciable liée à la démarche du travailleur ou au contenu des faits dénoncés dans sa démarche.

Information de l’employeur

Le conseiller en prévention aspects psychosociaux, l’inspection, la police, l’auditorat du travail et le juge d’instruction continuent à devoir informer l’employeur des démarches du travailleur et de sa protection dans les mêmes conditions qu’auparavant.

En outre, les travailleurs qui entreprennent les démarches visant des faits de violence ou de harcèlement moral au travail liés à un critère de discrimination, ou des faits de harcèlement sexuel pourront également eux-mêmes informer l’employeur de leurs démarches en lui communiquant un document d’attestation demandé à l'organisation, au service ou à l'institution auprès desquels ils ont entrepris cette démarche.

Les témoins protégés par la loi relative au bien-être qui sont entendus par le conseiller en prévention aspects psychosociaux ont désormais la possibilité de refuser que l'employeur soit informé de leur protection. L'exception au secret professionnel du conseiller en prévention aspects psychosociaux concernant l'information de l'employeur sur leur protection est dès lors modifiée.

Le conseiller en prévention aspects psychosociaux informera désormais l'employeur de la nature des faits mentionnés par le travailleur dans sa demande formelle (violence ou harcèlement au travail lié ou non à un motif de discrimination ou harcèlement sexuel au travail). Une nouvelle exception au secret professionnel est dès lors également introduite.

Il ne doit plus indiquer à l’employeur la base juridique de la protection du demandeur et du témoin protégé.

Influence de l’abus des procédures sur la protection

La protection contre les représailles est expressément exclue en cas d'abus des procédures dans la loi relative au bien-être et les lois fédérales de lutte contre les discriminations. En cas d’abus, le travailleur ne peut pas obtenir l’indemnité de protection mais pourra être redevable de dommages et intérêts ou être licencié pour motifs graves.

Cumul des indemnités

Aussi bien dans la loi relative au bien-être que dans les lois fédérales de lutte contre les discriminations il est expressément prévu qu'il est possible de cumuler l’indemnité pour, respectivement, la violence, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel avec l’indemnité découlant du non-respect de la protection contre les représailles.

Demande d’intervention psychosociale formelle

Le document utilisé pour introduire une demande d'intervention psychosociale formelle pour faits de violence, de harcèlement moral ou sexuel au travail comprend désormais une section supplémentaire. Cela permet au travailleur d'éventuellement inclure une description du lien entre les faits qu'il dénonce et un critère de discrimination.

En outre, la demande ne doit plus nécessairement être introduite par lettre recommandée ou en mains propres auprès du conseiller en prévention aspects psychosociaux.

Autres adaptations

Enfin, l'occasion a été saisie pour apporter également les modifications supplémentaires suivantes à la loi sur le bien-être:

La liste des critères de discrimination pouvant être à l'origine de la violence et du harcèlement moral au travail est retirée de la définition du harcèlement et incluse dans un paragraphe distinct pour viser tant les comportements de harcèlement moral que de violence. En outre, de nouveaux critères sont ajoutés à la liste pour tenir compte des nouveaux critères protégés repris dans la loi genre.

La définition du harcèlement sexuel au travail est alignée sur celle de la loi genre, qui est la même que celle figurant dans la directive 2006/54 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail.

Il est rappelé que les tribunaux pénaux peuvent également accorder l’indemnité forfaitaire lorsqu'ils doivent statuer sur les dommages civils.

Les cours et tribunaux du travail et le Conseil d'Etat ont la possibilité de transmettre la jurisprudence au SPF Emploi par voie électronique.

Plus d'informations

Commentaires

Le commentaire détaillé disponible sur le site du SPF sous le thème Risques psychosociaux au travail a été mis à jour.

Textes législatifs - Coordination

Webinaire

Le 5 juin 2023 un webinaire est organisé pour expliquer les modifications légales apportées à la protection contre les représailles des travailleurs qui invoquent de la violence ou du harcèlement moral ou sexuel au travail

Plus d’informations et inscription sur le site événement du SPF Emploi: Webinaire Risques psychosociaux - Modifications apportées à la protection contre les représailles des travailleurs qui invoquent de la violence ou du harcèlement moral ou sexuel au travail.

Communiqué de presse de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes

Lisez le communiqué de presse de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes sur le site de l'Institut: Enfin une meilleure protection contre les représailles.

Article d’Unia sur la nouvelle législation

Lisez l’article d’Unia sur la nouvelle législation sur son site: Une meilleure protection contre les représailles dans les lois antidiscrimination.